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L’ONDINE DE CAPDEUILLES


ment que j’en ai usé beaucoup moins que ne l’eussent fait bien d’autres à ma place. Mais ce manque de base morale, dans notre éducation, a laissé voir plus tard ses conséquences. Pour mon frère, surtout…

Une émotion soudaine passa dans son regard, et fit trembler un peu ses lèvres.

Le prêtre dit avec un intérêt affectueux :

— M. de Capdeuilles m’avait appris que vous aviez perdu ce frère unique… très jeune, n’est-ce pas ?

— Il avait vingt-cinq ans. Un an auparavant, il avait épousé une cantatrice étrangère, dont il était si violemment épris que toutes mes objurgations restèrent inutiles. Un jour, elle partit. Il ne la revit plus. Elle ne l’avait épousé que pour sa fortune, et elle emportait tous les bijoux superbes dont il l’avait comblée. Un peu après, on le trouva mort, au bas d’une roche. Il avait fait une chute… ou bien il s’était jeté volontairement de cette hauteur. Qui le saura ? Moi, j’étais absent à ce moment-là. J’accourus aussitôt, pour ne trouver que ce cadavre. Mon frère, ma seule tendresse, m’avait abandonné.

Il s’interrompit, la gorge serrée, les traits tendus.

Le prêtre lui serra les mains.