Page:Delly - L'orpheline de Ti-Carrec, 1981.pdf/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naissait les bouillonnements, les révoltes, les souffrances de cette jeune âme si aimante, meurtrie chaque jour, et dans laquelle s’amassait tant d’amertume.

Oui, depuis la mort de sa mère, Gwen avait bien souffert dans cette maison, où personne ne la traitait en parente. Elle prenait ses repas dans un petit office près de la cuisine, et les domestiques — changeant sans cesse, car Blanche n’en conservait guère — lui donnaient ce qu’ils avaient en trop, c’est-à-dire une très maigre part, Mme Dourzen regardant de près à la dépense. Sa chambre était un petit cabinet presque noir, près de la cuisine, garnie des meubles de rebut dont ne voulaient pas le domestique et la cuisinière. Dans la journée, elle travaillait à des ouvrages de couture où, déjà, elle se montrait singulièrement adroite. Assez souvent aussi, Mme Dourzen l’envoyait nettoyer le jardin, ou faire quelque besogne de ménage. Jamais on ne lui donnait quelque distraction, quelque petit présent. M. Dourzen était indifférent, comme sa fille Rose ; Laurette se plaisait à faire gronder l’orpheline, qu’elle semblait détester. Quant à Mme Dourzen, elle ne perdait pas une occasion d’humilier, de morigéner « cette mauvaise petite créature, dont mon mari et moi avons eu la trop grande bonté de nous embarrasser ».

Jamais elle ne parlait de Gwen comme d’une parente. Et même à l’école, au catéchisme, elle