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L’ORPHELINE DE TI-CARREC

Car elle venait de vivre deux semaines d’une félicité merveilleuse. Il est vrai que Dougual, à son égard, dépouillait ses habitudes de prince asiatique, accoutumé de mépriser la femme et de la traiter en esclave et en jouet. Il se plaisait à converser longuement avec elle, sur des sujets très divers et appréciait visiblement sa vive intelligence, le charme de son esprit, la délicatesse de son cœur. Au lieu de la loger dans l’appartement des femmes, il lui avait attribué quelques-unes des plus belles pièces de son palais, où la servaient de nombreuses esclaves. Elle était véritablement traitée en princesse, et le respect empressé, l’humble attitude de tous, témoignaient des ordres donnés par le rajah à son sujet.

L’amour de Dougual comblait toutes les aspirations de son âme ardente, qui avait dû jusqu’alors se replier dans une aride solitude. Bien qu’elle pressentît, en la nature et l’existence du vicomte de Penanscoët, une part de mystère, elle se confiait à lui avec tout l’aveuglement de la passion, avec toute la simplicité fervente d’une âme candide et droite. Quoique d’un caractère porté à l’indépendance et d’une fierté que sa pénible situation chez les Dourzen n’avait pu affaiblir, elle subissait sans résistance l’emprise de cette volonté masculine, de cette intelligence supérieure faite pour dominer et pour séduire. Bien mieux, elle se trouvait heureuse d’une telle domina-