Page:Delly - L'orpheline de Ti-Carrec, 1981.pdf/210

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gwen s’arrêta un moment dans la salle du rez-de-chaussée où demeurait toujours, près de la corbeille à ouvrage de Varvara, le petit fauteuil d’enfant. Ici, elle évoquait le visage mélancolique de sa mère, les yeux couleur de turquoise où souvent se reflétaient de pénibles pensées. Ici revenaient avec plus de netteté les souvenirs de sa petite enfance, qui avait été paisible et heureuse. Puis elle monta dans la chambre de Varvara. Elle s’assit dans le vieux fauteuil garni de velours d’Utrecht jaune et appuya contre sa main son front fatigué.

Car elle n’avait pas repris encore son équilibre moral, depuis ces quelques heures passées à Kermazenc. En son âme s’était fait un bouleversement qui ne s’apaisait pas. Constamment revenait à sa pensée le souvenir de ces instants où elle s’était trouvée près de Dougual de Penanscoët, où elle avait entendu sa voix prenante, dans laquelle les accents impératifs se mêlaient à une ensorcelante douceur… où elle avait vu s’attacher sur elle ces yeux si beaux, charmeurs et volontaires, ironiques aussi, comme au moment où il lui avait dit :

— Vous ne pouvez qu’être ravie de me montrer une telle beauté. Ne jouez pas cette petite comédie…

Une brûlante rougeur monta au visage de Gwen à ce souvenir. L’indignation qui l’avait saisie à ce moment-là reparut, fit battre plus fortement ses artères.

Il n’était qu’un insolent, ce jeune vicomte de