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— Bien, très bien, Ivor ! La sentimentalité n’a rien à faire, chez toi… Je te quitte, ami. C’est l’heure de ma promenade quotidienne.

À travers les parterres, Appadjy gagna le parc. Il marchait lentement, la physionomie pensive, avec un bizarre sourire d’ironie au coin des lèvres. Au tournant d’une allée, il se trouva en présence de Mme de Penanscoët, appuyée au bras de sa fidèle suivante Sanda.

Le brahmane s’arrêta, en s’inclinant.

— Salut, Nouhourmal. Vous venez de faire votre promenade ?

— Oui… j’aime ce parc, dit brièvement la comtesse.

— Il est triste pourtant, en comparaison des jardins de nos pays, éblouissants de couleurs et saturés de parfums.

— Je ne sens pas cette tristesse.

— Peut-être, alors, regrettez-vous que nous quittions Kermazenc, dans quelques jours probablement ?

— Je n’ai pas de regrets ni de désirs, Appadjy. Vous savez bien qu’Ivor a tout tué en moi.

La voix restait calme, glacée ; l’étroit visage mat, que l’âge ne semblait pas toucher, gardait son impassibilité coutumière.

— Oui, je sais… je sais que vous avez beaucoup souffert, Nouhourmal.

Un éclair passa — à peine saisissable — dans les yeux sombres. Mais il n’y avait pas un fré-