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Minuit sonnait quand le vicomte de Penanscoët quitta son appartement. Dans l’un des grands salons, les bayadères dansaient. Des bayadères authentiques, qu’entretenait, tout comme un souvenir de l’Inde, Ivor de Penanscoët. Et avant elles, les hôtes de Kermazenc avaient eu le plaisir d’applaudir de prestigieuses petites danseuses javanaises, arrivées quelques jours auparavant de Pavala sur un des yachts du rajah.

L’entrée de Dougual fit une énorme sensation, d’autant plus qu’on l’avait à peine entrevu depuis son arrivée à Kermazenc. Par les trous des masques dont, obligatoirement, chacun avait dû couvrir son visage, des yeux chargés d’avide curiosité s’attachaient sur lui. Le comte s’avança vers son fils et dit à mi-voix :

— Je croyais que tu ne viendrais pas !

— Puisque vous le désiriez, mon père, je ne voulais pas vous décevoir, répondit Dougual sur le même ton.

Saluant avec une courtoisie froide les hôtes de Kermazenc, il s’assit, après avoir fait signe aux bayadères, qui s’étaient arrêtées à sa vue, de continuer leur danse.

Willy l’avait suivi. Il se tint debout derrière lui, en promenant sur l’assistance masquée son regard où la curiosité se mêlait d’ironie. Non loin de lui, une grande femme maigre, en kimono japonais assez voyant, ne quittait pas des yeux Dougual de Penanscoët, qui semblait l’intéresser beaucoup plus que les bayadères.