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mère, en disant avec un accent de sourde colère :

— Elle devient de plus en plus effrontée ! C’est intolérable.

— Oui… J’avais raison de dire autrefois que son caractère nous donnerait du mal. Mais je pensais qu’à force de la tenir ferme elle deviendrait plus souple. C’est vraiment une abominable orgueilleuse !

Dans la lingerie, petite pièce ensoleillée, très chaude en cette saison, Gwen s’asseyait et prenait entre ses doigts une robe d’étoffe légère, d’un rose vif, qu’elle finissait de broder pour Rose. Elle était en quelque sorte la femme de chambre des filles de Mme Dourzen qui usaient et abusaient de sa rare habileté, de son goût délicat dans tous les ouvrages féminins, en la remerciant par des paroles désagréables. En elle, ces demoiselles trouvaient à la fois modiste, couturière, lingère, sans bourse délier.

Si ces jeunes personnes et leur mère l’eussent vue en ce moment, elle se seraient réjouies. Des larmes glissaient hors des paupières, coulaient sur la joue délicate. Gwen avait toujours eu l’énergie de ne jamais laisser paraître sa peine, ses cuisantes blessures morales devant ses persécutrices. Mais hors de leur présence, la douloureuse réaction se faisait d’autant plus vive que la fille d’Armaël Dourzen et de Varvara était une nature profondément sensible, ardente, délicate, sous des dehors de réserve froide, presque farouche, dont elle se