Page:Delly - L'orpheline de Ti-Carrec, 1981.pdf/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vara, elle touchait au point le plus sensible l’enfant qu’elle détestait.

Pourquoi poursuivait-elle de sa haine la morte et la jeune créature née d’elle ? Gwen se l’était demandé bien des fois, sans trouver d’autre raison que celle-ci : Blanche Dourzen était une de ces natures basses, mauvaises, capables de toutes les vilenies, de toutes les hypocrisies, rampantes et souples devant ceux qu’elles craignent ou veulent conquérir, venimeuses et implacables à l’égard des faibles, de ceux que nul ne peut défendre. Déchirer la mémoire de Varvara, humilier, blesser de toute façon la jeune orpheline, la réduire à la servitude, tout cela représentait pour elle un plaisir de choix.

« Trois ans encore avant d’être libre… trois ans ! » songeait Gwen, le cœur serré.

Sa prière terminée, elle se releva, enleva quelques herbes dans le petit parterre. Elle y mettait des fleurs des champs ou des bois, selon les saisons. En septembre, il était tout rose de bruyères. Mme Dourzen ne lui donnant jamais d’argent, elle ne pouvait rien acheter et se trouvait ainsi plus démunie que la plus pauvre petite fille du pays, à qui l’on remettait parfois une piécette.

Après un dernier regard sur cette tombe maintenant sans nom, Gwen quitta le cimetière. Sur la petite place, elle croisa un groupe de jeunes filles, caquetantes et rieuses, la raquette de tennis à la main. Parmi elles se