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Elle allait un peu au hasard, dans l’ombre nocturne des hautes futaies qui laissaient passer, entre leurs frondaisons mêlées, quelques rayons seulement de la pâle lumière. À une croisée de sentiers, un dolmen rappelait que ce parc était ce qui restait d’une forêt sacrée, autrefois étendue sur une grande partie du pays, et où les druides célébraient le culte de leur dieu Teutatès, par des sacrifices humains. Plus loin, au-dessus d’une murmurante fontaine entourée de hauts bambous, une statue de pierre verdie se dressait, déesse obscure, sans nom, que peut-être avaient adorée les lointains ancêtres d’Ivor de Penanscoët. Ailleurs, un rideau mouvant de feuillage et de grandes fleurs pâles formait un fond à un petit oratoire primitif, fait de rude granit et abritant un saint taillé en plein chêne, un saint de la race des Penanscoët et des Dourzen, car il y avait eu chez eux quelques belles âmes, pures, héroïques, vouées à l’amour divin, il y avait eu des âmes repentantes qui avaient expié noblement leurs erreurs ou leurs crimes. Cependant, celles-là n’avaient pas laissé de souvenir dans le pays, alors qu’on parlait encore de certains Dourzen d’autrefois coureurs de lointaines aventures et revenus enrichis pour se livrer au plaisir et à l’orgie.

Gwen atteignit enfin le commencement des parterres. Un suave parfum de fleurs diverses vint à elle, porté par la brise tiède. Les jets d’eau, à cette heure, étaient arrêtés, et la lune