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Gwen, quelle que fût sa prédilection pour ce lieu, ne s’y attarda pas, car elle avait résolu de voir le château et le parterre sous le clair de lune. À cette heure-ci, pensait-elle, il n’y avait pas de risque de rencontrer quelqu’un, non, pas même cet Yves Le Guen, le jardinier en chef, qui était, disait-on, une sorte de dogue et dont avaient si grand peur Rose et Laurette qu’elles ne se hasardaient pas hors de la zone sauvage du parc, où, par un accord tacite, depuis des siècles, les Penanscoët toléraient que pénétrassent leurs cousins Dourzen, de Coatbez.

Mais l’aventureuse Gwen, elle, était à deux reprises allée plus loin. Elle avait contemplé les parterres toujours admirablement fleuris, même en l’absence des maîtres, et le château silencieux, dont on apercevait les volets clos derrière les vitres des hautes fenêtres. Voilà ce qu’elle voulait revoir ce soir, au clair de lune.

Et elle franchit résolument la dalle de pierre effritée jetée sur un petit canal où glissait une eau claire et lente. Après cela commençait la partie du parc interdite à qui n’était pas de Kermazenc. Là, les jardiniers mettaient quelques bornes aux exubérances végétales. Mais il s’y trouvait néanmoins bien des coins sauvages, bien des retraites mystérieuses, dont Gwen avait entrevu quelques-unes, au passage, quand sa curiosité l’avait poussée jusqu’au château.