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m’entourait d’une étroite surveillance et, cette fois encore, elle se trouva là pour me sauver… J’avais dix-sept ans alors et ce que j’avais jusqu’ici confusément pressenti se révéla clairement à moi : la haine de ma sœur portée jusqu’au crime.


» Oui, il me faut écrire ce mot, Alix. Comprends-tu ce que fut, dès lors, l’existence pour moi ?… Il paraissait bien simple, n’est-ce pas, de me confier à mes parents et, sans accuser absolument Georgina, de leur faire pressentir ses sentiments à mon égard. Hélas ! cette ressource même me faisait défaut… Tu sais combien ma mère, si bonne, était faible et incapable de me soutenir. Chaque jour, d’ailleurs, l’implacable volonté de Georgina la pliait davantage sous son joug. Quant à mon père… Oh ! Alix, lui que j’aimais si ardemment, lui, doué d’une intelligence si haute, je le voyais glisser sur une pente fatale, entraîné par ma sœur. Le gentilhomme intègre se laissait engager dans des spéculations louches, y jetant les débris de sa fortune dans l’espoir de recueillir la richesse. Pauvre père ! il aimait tant le luxe, les plaisirs, la vie large et facile !… et, plus que lui encore, Georgina les désirait. Pour de l’argent, que n’eût-elle pas sacrifié !…


» Et, comme pour l’aider dans son œuvre abominable, l’enfer lui envoya, à cette époque, un auxiliaire. Tu connais un peu Roger Maublars, celui qui fut quelque temps, dans son enfance, notre compagnon de jeux et que nous ne revîmes plus que jeune homme, déjà en possession d’un nom connu, déjà aussi, le malheureux ! devenu apôtre de l’impiété. Tandis que j’évitais les relations trop suivies avec cette famille Maublars, qui m’inspirait un insurmontable éloignement, ma sœur s’en rapprocha au contraire et devint un ardent disciple de Maublars. Le champ était prêt, car déjà elle avait rejeté toute