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lueur dans tous les coins de la pièce confortable et, sur la table à thé, la bouilloire d’argent dominait les tasses de porcelaine fine et les assiettes de gâteaux apportées par Mathurine… Dans cette atmosphère de discrète élégance et d’affection familiale, Even semblait se transformer soudain. Sa physionomie tourmentée s’éclairait d’une grave sérénité, ses mouvements perdaient leur rudesse et, sous ses vieux vêtements, il reprenait néanmoins quelque chose des manières de l’Even d’autrefois, de l’Even souverainement distingué, qu’Alix avait été tentée de croire un mythe.

De quel bonheur s’épanouissait le cœur de la jeune fille en songeant à l’immense pas fait par Even en si peu de temps !… Et quelle soudaine transformation autour d’elle, dans cette demeure où elle n’avait rencontré qu’indifférence et hostilité ! Aujourd’hui, une affection réelle et forte protégeait les orphelins ; les obstacles semblaient en partie aplanis et Alix murmurait une ardente action de grâces… Georgina était oubliée. Il paraissait impossible à la jeune fille qu’un malheur atteignît ses frères, maintenant que Dieu avait incliné vers eux le cœur de leur oncle…

Dix heures sonnaient lorsque Even se leva pour se retirer, en annonçant qu’il se rendait chez sa mère, afin de s’informer de ses nouvelles.

— Je suis fort inquiet de ce refroidissement. Ma mère est devenue très fragile depuis que Georgina a imaginé de la priver d’air et d’exercice, sous prétexte de ne pas la fatiguer. Autrefois, elle faisait de grandes promenades… Si j’avais surveillé tout cela ! murmura-t-il d’un air sombre.

Il répondit au bonsoir des enfants, que miss Elson emmenait, et fit quelques pas vers la porte.

— Dites-moi, Alix, connaissez-vous ma cousine de Ker-Neven ? demanda-t-il tout à coup.

— Oui, mon oncle, je la vois même souvent, mais