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le manoir. À mi-chemin, elle se heurta presque à Georgina, qui se promenait dans la cour.

— Voilà votre promenade terminée ? dit paisiblement Mme Orzal. Savez-vous ce qui est advenu à Even ?… Je l’ai aperçu rentrant précipitamment dans sa tour… Pourvu qu’il ne soit pas repris de ses accès de folie !…

Malgré l’obscurité, elle remarqua sans doute le mouvement de surprise échappé à sa nièce, car elle reprit du même accent tranquille, nuancé de compassion :

— Je vous avais laissé ignorer cette triste tache de notre famille, et je me reproche cette parole échappée à mon inquiétude. Pauvre Even ! son sort est digne de compassion, n’est-ce pas, Alix ?

— Oh ! certes, madame !… mais la divine bonté le prendra en pitié et le guérira ! répondit la jeune fille d’un ton ferme.

Un petit rire railleur s’échappa des lèvres de Georgina.

— C’est cela, priez bien pour lui, ma chère. Nous verrons…

Elle n’acheva pas sa phrase et s’éloigna rapidement. Alix ramena la vieille dame dans le salon et, ayant souhaité le bonsoir à M. de Regbrenz, remonta chez elle avec Gaétan. Dans l’antichambre, Mathurine sortait d’une corbeille le linge repassé par elle dans la journée. Le visage qu’elle tourna vers Alix exprimait une joie contenue.

— Avez-vous vu, mademoiselle ?… Oh ! quel bonheur ! C’était un peu l’Even d’autrefois ! s’écria-t-elle avec un accent d’intraduisible allégresse.

— Pas pour longtemps, ma pauvre Mathurine ! Il a suffi d’un mot pour éteindre cette lueur… Mais dites-moi, Mathurine, vous avez toujours vécu avec mes grands-parents et leurs enfants, vous connaissez