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Mme Orzal avait été bon prophète. Xavier, après une nuit fiévreuse, se trouva presque revenu à son état normal. Seules une légère pâleur et une expression un peu alanguie sur son joli visage rappelaient le terrible danger de la veille.

Alix, brisée plus encore par son tourment moral que par cette nuit de veille, se jeta aux pieds de sa Madone de marbre en laissant échapper de son cœur un cri d’action de grâces. Incessantes avaient été, pendant ces heures nocturnes, les supplications de la sœur dévouée, et la Vierge miséricordieuse les avait exaucées promptement. Il n’était plus question de maladie pour Xavier, ainsi que le déclara miss Elson, fort experte en cette matière.

Et cependant le pli douloureux formé sur le front d’Alix ne s’effaça pas complètement. De ces moments d’angoisse passés d’abord à la recherche de Xavier, et ensuite près du lit où ce petit corps tremblait sous l’étreinte du froid, il lui demeurait au cœur une trace pénible. Comme une incessante prédiction, les paroles d’Even bruissaient à ses oreilles : « Une demeure comme la nôtre n’est pas faite pour abriter des enfants…, ils ne peuvent y trouver que le malheur… » Et le souvenir si amer conservé du logis familial par Mme de Sézannek ne concordait que trop avec cette opinion d’Even de Regbrenz.

Cette fois le danger jusqu’ici pressenti s’était fait tangible. Alix ne pouvait se taxer d’illusion et de crainte chimérique, car elle avait tenu entre ses bras son jeune frère, choisi pour première victime.

Elle porta ses deux mains à son visage et s’appuya au lit de Xavier, qui sommeillait en souriant…