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Sans répondre à sa tante, Alix s’était élancée au-dehors. Rose et Mathurine la rejoignirent à l’orée du parc.

— Mademoiselle, pendant que vous allez chercher là, moi je vais voir du côté de la vieille tour, dit la Bretonne d’une voix étouffée par l’angoisse.

» Qui sait ?… Oh ! ce lieu maudit ! s’écria Mathurine en s’éloignant à grands pas.

Alix s’enfonça en hâte dans le parc. Miss Elson, qui avait vu de sa fenêtre les trois femmes courant précipitamment, vint aussitôt rejoindre son élève, et elles commencèrent les recherches. Mais, au bout de dix minutes, la jeune fille, cédant à une invincible attraction, sortit du parc et courut vers la tour de la comtesse Anne.

Jamais encore elle n’en avait approché… Une profusion d’herbes folles, d’orties et de chardons cachait la base des vieux murs effrités ; plus haut, le lierre drapait sévèrement la pierre noircie et cachait les ouvertures étroites. Seule la porte, épais vantail bardé de fer rouillé, était indemne de tout envahissement.

Alix contourna la tour… De ce côté, le fossé entourant autrefois le manoir tout entier avait été conservé. Très large, il étalait sa nappe d’eau stagnante, au ras de laquelle s’ouvraient deux petites meurtrières grillées… Et la pauvre Alix, éperdue d’horreur, eut soudain la vision d’un petit corps enseveli sous cette eau verdâtre. Son petit Xavier, cet être insouciant et gai qui riait si gentiment, ce matin même, en entourant le cou de sa sœur de ses petits bras caressants…

Sans réfléchir, obéissant à sa folle angoisse, elle se précipita vers la porte de la tour et y frappa de toutes ses forces en criant :

— Mathurine, êtes-vous là ?… Il faut fouiller la douve, vite, vite !