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AVANT-PROPOS




Je ne crois pas avoir besoin de dire longuement les raisons pour lesquelles, amené à étudier la philosophie pratique de Kant, j’ai essayé d’en retracer analytiquement la formation. Ces raisons sont d’abord d’ordre général, et valent, semble-t-il, pour l’étude historique de toute doctrine. On est moins tenté d'incliner un système dans le sens où l’on se plairait à le contempler, quand on a tâché de suivre de près le travail d’esprit par lequel se sont peu à peu définies et enchaînées les pensées qui le composent ; on se défie certainement davantage de ces jeux de réflexion qui, sous prétexte de découvrir la signification profonde d’une philosophie, commencent par en négliger la signification exacte. Pour ce qui est en particulier de la doctrine de Kant, elle a mis trop de temps à se constituer, et elle s’est constituée avec des idées de provenances et d’époques trop diverses, pour qu’il n’y ait pas un intérêt majeur à se détacher tout d’abord de la forme systématique qu’elle a tardivement revêtue. L’histoire des démarches successives qui l’ont engendrée apparaît de plus en plus comme un facteur essentiel de l’interprétation qu’on en peut tenter[1]. Il est même permis de supposer que le kantisme, dans les

  1. V. l'Avant-Propos de Dilthey en tête du premier volume de l’édition de Kant, entreprise par l’Académie royale de Prusse.