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toires qu’il est plus pressant de supprimer. Aussi ne s’était-il pas laissé séduire par les théories décevantes du Dr Price qui voyait dans la puissance des intérêts composés un moyen certain de rembourser la dette de l’État, quelle qu’en fût l’importance : bien avant Hamilton et Ricardo, il avait montré que l’amortissement n’est réellement possible qu’au moyen des excédents du budget et que le système en usage n’avait jamais eu d’autre effet dans la pratique que d’enlever tout scrupule et toute retenue aux gouvernements engagés sur la pente des emprunts.


Il constatait d’ailleurs qu’en fait, les fonds d’une caisse d’amortissement sont toujours détournés bien vite de leur destination primitive et que leur dissipation est fatale. « Même pendant la paix la plus profonde, dit-il, il survient divers événements qui exigent une dépense extraordinaire, et le gouvernement trouve toujours plus commode de satisfaire à cette dépense en détournant le fonds d’amortissement de sa destination qu’en mettant un nouvel impôt. Tout nouvel impôt est senti sur-le-champ plus ou moins par le peuple. Il occasionne toujours quelque murmure et ne passe pas sans rencontrer de l’opposition. Plus les impôts ont été multipliés, plus on presse fortement chaque article d’imposition, et plus alors le peuple crie contre tout impôt nouveau, plus il devient difficile de trouver un nouvel objet imposable ou de porter plus haut les impôts déjà établis. Mais une suspension momentanée du rachat de la dette n’est pas sentie immédiatement par le peuple et ne cause ni plaintes ni murmures. Emprunter sur le fonds d’amortissement est une ressource facile et qui se présente d’elle-même pour se tirer de la difficulté du moment. Plus la dette publique se sera accumulée, plus il sera devenu indispensable de s’occuper sérieusement de la réduire, plus il sera dangereux, ruineux même de détourner la moindre partie du fonds d’amortissement, moins alors il est à présumer que la dette publique puisse être réduite à un degré un peu considérable ; plus il faut s’attendre, plus il est infaillible que le fonds d’amortissement sera détourné pour couvrir toute la dépense extraordinaire qui peut survenir en temps de paix. Quand une nation est déjà surchargée d’impôts, il n’y a