Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/321

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

verse. Il paraît même, à première vue, avoir partagé à cet égard l’hostilité systématique de son ami Hume pour les dettes publiques ; mais au fond, il n’en craignait réellement que l’abus, estimant que l’emprunt n’est pas mauvais en lui-même, si l’État n’en use qu’avec prudence et si la destination qu’il lui donne est conforme aux principes économiques. Il n’en contestait nullement d’ailleurs la légitimité, considérant que le présent, qui lègue à l’avenir un patrimoine considérable, a bien le droit de lui laisser aussi quelques charges.

Quoi qu’il en soit, il recommande sagement aux gouvernements, au point de vue politique, d’alléger autant que possible le poids de leur dette, parce que les États obérés sont dans une sorte d’impuissance qui entrave leur liberté d’action dans les relations internationales, qui rend plus incertain le succès des emprunts ultérieurs et qui peut conduire à la banqueroute les nations imprévoyantes.

Il insiste particulièrement sur ce danger de la banqueroute à laquelle il voit les États fatalement conduits lorsqu’ils élèvent inconsidérément leur dette sans aucune proportion avec la richesse du pays. « Quand la dette nationale, dit-il, s’est une fois grossie jusqu’à un certain point, il n’y a pas, je crois, un seul exemple qu’elle ait été loyalement et complètement payée. Si jamais la libération du revenu public a été opérée tout à fait, elle l’a toujours été par le moyen d’une banqueroute, quelquefois par une banqueroute ouverte et déclarée, mais toujours par une banqueroute réelle, bien que déguisée souvent sous une apparence de paiement. » Pour y arriver, ou bien on augmentait la dénomination légale de la monnaie, ou bien on réduisait le titre du métal. L’État paraissait payer intégralement, mais il n’acquittait en réalité qu’une fraction des arrérages : c’était, pour nous servir de l’expression même de l’auteur, « un vrai tour d’escamotage ».

Smith concluait donc en conseillant aux gouvernements la pratique de l’amortissement pour la réduction de leur dette, mais il préconisait un amortissement tout autre que celui qui était alors pratiqué en Angleterre. Il avait compris que cet amortissement est une erreur économique lorsqu’il faut emprunter pour amortir ou lorsque la nation est surchargée d’impôts vexa-