Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/317

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

année pour soutenir la guerre ; et, au moyen de la pratique de faire des fonds perpétuels, ils se trouvent en état, avec la plus petite augmentation possible dans les impôts, de lever annuellement les plus grosses sommes d’argent. Dans de vastes empires, les gens qui vivent dans la capitale et dans les provinces éloignées du théâtre des opérations militaires ne ressentent guère, pour la plupart, aucun inconvénient de la guerre, mais ils jouissent tout à leur aise de l’amusement de lire dans les gazettes les exploits de leurs flottes et de leurs armées. Pour eux, cet amusement compense la petite différence des impôts qu’ils paient à cause de la guerre, d’avec ceux qu’ils étaient accoutumés à payer en temps de paix. Ils voient ordinairement avec déplaisir le retour de la paix qui vient mettre fin à leurs amusements et à mille espérances chimériques de conquête et de gloire nationale qu’ils fondaient sur la continuation de la guerre. »

Mais si cet inconvénient politique de l’emprunt est réel, il ne doit pas faire passer sur les défauts économiques et financiers du recours à l’impôt en temps de crise. Nous l’avons déjà dit, les rendements de l’impôt sont trop lents, ils sont surtout trop faibles, et loin de pouvoir être augmentés aisément pendant la guerre, ils se resserrent dans de notables proportions par suite de la diminution des transactions. Quant aux impôts nouveaux, ils sont d’ordinaire peu productifs, parce que l’établissement de toute taxe nouvelle apporte fatalement des perturbations graves dans la production et la répartition des richesses ; d’ailleurs, le contribuable frappé, ne pouvant pas immédiatement rejeter sur d’autres le montant de l’impôt, cherche à se dérober, et la fraude prend une extension considérable à une époque où le gouvernement peut le moins la réprimer. En outre, les lourdes taxes entravent l’industrie et le commerce déjà atteints par la guerre, les faillites se multiplient, et l’impôt fait fuir les revenus qu’il prétend frapper ; enfin, conséquence très grave encore, en prélevant ainsi une trop forte part des revenus, on rend par là même toute guerre intolérable, qu’elle qu’en soit la légitimité. Aussi le parti le plus sage que l’on puisse adopter consiste, selon nous, dans la combinaison des deux sortes de ressources, en demandant aux impôts établis le maximum de ce qu’ils peuvent