Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

damnée sans appel lorsqu’elle est très modérée et qu’elle n’a pour but que de servir de complément à tout un ensemble de taxations. Chacun, en effet, a besoin de la protection de l’État, chacun doit donc en supporter une partie des charges. Aussi, bien que par d’autres impôts, ceux de consommation par exemple, chacun contribue, en réalité, à ces dépenses communes, il est peut-être bon, au point de vue moral comme au point de vue politique, que chacun se sente directement imposé. À notre époque surtout où règne le suffrage universel, nous croyons qu’il est indispensable que tout citoyen possédant le droit de vote soit personnellement frappé par certaines des taxes que l’on établit ou que l’on augmente en son nom et qu’il soit ainsi intéressé à l’économie. Mais ces capitations, pour être défendables, doivent rester extrêmement modérées, et c’est aux taxes de consommation qu’il est nécessaire de recourir pour frapper réellement et efficacement l’ensemble des revenus, notamment les salaires qui échappent en fait à tous les autres impôts.

Adam Smith enveloppe néanmoins dans la même réprobation et les capitations et celles des taxes indirectes qui frappent sur les objets de première nécessité, attendu qu’il n’admet pas, nous l’avons déjà dit, la possibilité de taxer les salaires. Aussi, avant d’examiner les taxes de consommation, il les divise en deux catégories, suivant qu’elles frappent les objets de luxe ou les objets de première nécessité, entendant par objets de nécessité, dit-il, « non seulement les denrées qui sont indispensables au soutien de la vie, mais encore toutes les choses dont les honnêtes gens, même de la dernière classe du peuple, ne sauraient décemment manquer selon les usages du pays. »

Il approuve sans réserve les taxes de la première classe, mais il rejette absolument les secondes comme inefficaces. « Comme, partout, dit-il[1], le salaire du travail se règle en partie sur la demande de travail, et en partie sur le prix moyen des choses nécessaires à la subsistance, tout ce qui fait monter ce prix moyen doit nécessairement faire monter les salaires, de manière que l’ouvrier soit toujours à même d’acheter cette quantité de choses nécessaires que l’état de la demande de travail exige

  1. Rich., liv. V, ch. II (t. II, p. 563).