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à la société, à égalité de produit, bien qu’en apparence ils ne paraissent rien coûter aux citoyens, et il conseille, en conséquence, la mise en adjudication de cette partie du domaine. Un être abstrait, en effet, est naturellement mauvais agriculteur. L’État, il est vrai, trouve facilement les capitaux nécessaires à l’amélioration des terres ; mais il ne peut donner à la culture l’attention constante et minutieuse qu’apporte le petit propriétaire qui aime sa terre et en connaît tous les recoins ; il ne peut pas même surveiller efficacement ses fermiers ; enfin, ses employés sont négligents et recrutés habituellement par la faveur, sans considération de leur aptitude ; en un mot, il produit mal et il produit cher. Aussi le conseil de Smith eût été bon à suivre par la plupart des gouvernements, car s’il est parfois nécessaire de conserver temporairement certains domaines dans les contrées où la culture est peu développée et la population clairsemée, il est certain que le plus souvent le morcellement par lots de ces immenses exploitations en eût facilité la mise en valeur ; leur productivité s’en fût accrue dans des proportions souvent considérables ; on eût ainsi favorisé le développement de la richesse du pays et donné lieu indirectement à des plus-values réelles dans les diverses branches du revenu public.

Le célèbre économiste aurait pu faire, toutefois, une exception pour les forêts. De son temps, il est vrai, leur influence climatérique, qui est aujourd’hui un argument décisif, n’avait pas encore attiré l’attention des savants ; mais d’autres considérations d’ordre économique et financier ont toujours milité en faveur du maintien du domaine forestier entre les mains de l’État. Sans parler de l’intérêt prétendu de la marine qui ne pouvait rencontrer, dit-on, de beaux arbres que dans les forêts domaniales, l’État a toujours trouvé dans les coupes une source de revenus certaine, régulière et toujours croissante par suite de l’augmentation incessante du prix du bois. D’ailleurs, contrairement à ce qui a lieu dans les autres entreprises agricoles, l’État est plus propre que les particuliers à exploiter les forêts, parce que cette exploitation se fait en grand, suivant des méthodes scientifiques dans l’emploi desquelles il a une compétence indiscutable ; enfin, mieux que les particuliers aussi, il peut les mettre en pleine valeur grâce aux immenses capitaux dont il dispose et, qui lui