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de tous les objets de consommation ; ensuite, par voie de compensation, il nous accable d’impôts sous prétexte d’envoyer sa marine à la quête des débouchés. C’est de la barbarie, de la barbarie la plus barbare, et le temps n’est pas loin où on dira : ces Français du XIXe siècle avaient de singuliers systèmes commerciaux, mais ils auraient dû au moins s’abstenir de se croire au siècle des lumières. »

On ne pouvait condamner d’une manière plus directe et plus saisissante ces théories gouvernementales qui ont pour objet de favoriser la colonisation en la précédant. Et cependant, à l’heure actuelle, on songe encore en France à créer de toutes pièces un système colonial, on envoie, des troupes au Tonkin, des navires à Fou-Tcheou et à Formose, on gaspille l’épargne nationale ainsi que le sang de nos soldats, et on croit de bonne foi trouver un remède à la crise économique qui nous étreint, en arrachant à l’agriculture si délaissée, à l’industrie, au commerce en souffrance, une partie de leurs bras déjà trop rares, en prélevant sur le produit annuel, des capitaux dont toutes les branches de la production ont tant besoin pour perfectionner leur outillage. Et pourquoi d’ailleurs tous ces sacrifices, sinon pour préparer à la colonisation un pays que nous verrons en réalité, avant dix ans, complètement envahi par les produits anglais ou allemands parce qu’ils reviendront à meilleur marché ? Que nous auront produit alors ces sacrifices que nous aurons consentis pour conquérir le pays, les dépenses que nous aurons employées à son organisation, sinon un accroissement de dettes et d’impôts qui, en augmentant nos frais de production, nous empêcheront de lutter sur ce marché même contre nos concurrents étrangers !

On ne saurait donc limiter trop strictement le champ de l’action gouvernementale, car, dès que l’État sort de son domaine, il entrave toujours par l’impôt la production qu’il prétend favoriser et il gêne ainsi la liberté qu’il a pour seule mission de protéger. Smith avait d’ailleurs parfaitement compris ces principes, mais nous estimons qu’il y a lieu d’aller plus avant encore dans la voie du self government, et l’étude des diverses ressources de l’État, que nous allons poursuivre avec l’auteur des Recherches, ne peut, en nous révélant les défauts de chacun des impôts,