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vernementale de Smith. Nous reconnaissons, il est vrai, que l’impôt, lorsqu’il est très léger, est en quelque sorte un instrument de solidarité et de sociabilité qui a une puissante action sur la marche de la civilisation ; mais nous savons par expérience que l’impôt, même le plus légitime, ne peut longtemps rester modéré, et qu’en restreignant même les dépenses de l’État à celles de la sécurité, nous aurions encore à répartir par l’impôt une charge suffisante pour donner à ces sentiments de solidarité une entière satisfaction.


Nous oserons même avouer qu’à divers points de vue Adam Smith nous a paru encore trop large pour certaines dépenses publiques. C’est ainsi qu’il a laissé, pour ainsi dire, carte blanche à l’État en ce qui concerne les dépenses militaires, et il paraît s’être un peu trop engoué des armées permanentes sans se préoccuper assez de la tendance fâcheuse des gouvernements à accroître dans des proportions excessives ces instruments dociles de leur volonté et de leur ambition. Certes, la défense de la patrie est le premier devoir des gouvernements et des individus, et on ne saurait marchander ni notre or ni notre sang pour la défense de notre liberté ; mais de la défense à l’attaque, il n’y a pas loin, d’autant plus que toute agression de l’un a toujours pour prétexte de prévenir en temps utile une agression préméditée par l’autre. Or si les armées permanentes ont joué un grand rôle dans la civilisation, et si maintenant plus que jamais elles sont indispensables aux nations, elles ont aussi leurs périls qu’il importe de faire remarquer. Pour être impartial, Adam Smith aurait dû signaler leurs dangers, non seulement au point de vue économique de l’accroissement incessant des dépenses, mais surtout au point de vue de la facilité qu’elles donnent à un gouvernement de se lancer dans des aventures guerrières.


Mais si cette observation n’est qu’une critique de détail qui n’infirme en rien la valeur de la conclusion de Smith, nous croyons devoir condamner, expressément cette fois, un autre point de la doctrine gouvernementale des Recherches, celle qui a trait à la protection militaire accordée aux nationaux à l’étranger dans le but « de faciliter, dit l’auteur, quelques branches particulières de commerce ».