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nistre orgueilleux d’une cour fastueuse se plaira souvent à faire exécuter un ouvrage d’éclat et de magnificence, tel qu’une grande route qui est, à tout moment, sous les yeux de cette haute noblesse dont les éloges flattent sa vanité et contribuent de plus à soutenir son crédit à la Cour. Mais ordonner beaucoup de ces petits travaux qui ne peuvent rien produire de très apparent ni attirer les regards du voyageur, de ces travaux, en un mot, qui n’ont rien de recommandable que leur extrême utilité, c’est une chose qui semble, à tous égards, trop mesquine et trop misérable pour fixer la pensée d’un magistrat de cette importance. Aussi, sous une pareille administration, les travaux de ce genre sont-ils presque toujours totalement négligés. »

Smith avait raison lorsqu’il montrait les vices du régime français, et nous avons mis à profit ses critiques. Toutefois si, comme l’affirmait le célèbre économiste, les réformes n’étaient alors possibles, sous le gouvernement absolu de Louis XV, qu’au moyen de la spécialité des taxes et de la mise en régie des routes, l’expérience a montré que, sous un régime de contrôle parlementaire, la décentralisation peut donner aussi d’excellents résultats en chargeant les départements et les communes de la construction et de l’entretien des voies qui les intéressent particulièrement. Nous en avons la preuve dans les heureux effets produits, en ce qui concerne notre réseau, par le décret du 16 décembre 1811 sur les routes nationales et départementales, et par la loi du 21 mai 1836 sur les chemins vicinaux. En même temps qu’au point de vue politique et économique, cette réforme a accéléré le développement de nos routes et assuré leur entretien en en confiant le soin aux intéressés eux-mêmes, elle a eu aussi, au point de vue de la justice pure, des avantages analogues à ceux de la spécialité, en mettant la dépense, suivant l’intérêt plus ou moins local des différentes voies, à la charge de l’État, des communes ou des départements. C’est ainsi que, sans gêner la circulation par des droits de barrière, on a résolu le problème de ne faire contribuer aux frais que ceux des citoyens qui profitent ou peuvent profiter immédiatement des services rendus.


En dehors de ces entreprises qui ont pour objet de faciliter le commerce en général, Smith admet encore que l’État se charge