Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vouloir, par cette dénomination, jeter le moindre degré de blâme sur l’usage modéré qu’on en peut faire. » Cette distinction est peu scientifique et surtout peu pratique. Quelles sont, en effet, les consommations superflues, et quelles sont les consommations nécessaires ? La réponse est différente suivant les temps, les lieux, les individus, et beaucoup de consommations jugées superflues il y a quelques siècles, sont devenues — Smith le reconnaît — indiscutablement nécessaires à notre époque pour tout homme civilisé. Chacun sent ce qu’est le luxe, mais on est généralement impuissant à le définir par une formule. Nous estimons toutefois, qu’au lieu de chercher à faire cette distinction d’après la nature des consommations et leur rapport avec nos besoins, il eût été préférable de dire que le luxe réside dans l’excédant des consommations personnelles d’une classe sur la part de cette classe dans la répartition, car les consommations superflues ne sont pas blâmables en elles-mêmes, et Smith le comprenait bien ainsi ; elles ne sont répréhensibles qu’autant qu’elles diminuent la somme des richesses.


Mais un autre sujet qu’Adam Smith a traité de main de maître, est le rôle de l’État dans la formation de l’épargne. Hâtons-nous de dire que, pour le célèbre économiste, ce rôle est purement négatif, et que si l’État a nécessairement une action puissante sur l’accroissement des richesses, ce n’est pas en stimulant l’épargne, mais simplement en évitant de l’entraver par sa prodigalité et en ne prélevant pas sur le revenu annuel des citoyens des sommes trop considérables.

Les États ont cependant leurs consommations, et ces consommations sont même la raison d’être des gouvernements ; car la constitution des nationalités a eu son origine dans l’impuissance des hommes à satisfaire certains besoins en restant isolés, les individus se sont syndiqués dans le dessein d’y pourvoir en commun et ils ont chargé certains d’entre eux de lever une partie des revenus privés pour atteindre ce but. Aussi, si l’État n’a pas lui-même à épargner, parce que son épargne ne serait qu’un retranchement dispendieux de la somme des épargnes privées que les particuliers sont bien plus habiles à faire valoir eux-mêmes, néanmoins, l’économie s’impose à lui avec plus de force encore