Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

égaux, et l’expérience a démontré l’exactitude de cette observation. « Dans un pays, dit-il, où le taux ordinaire du profit net est de 8 ou 10 pour 100, il peut être raisonnable qu’une moitié de ce profit aille à l’intérêt toutes les fois que l’affaire se fait avec de l’argent d’emprunt. Le capital est aux risques de l’emprunteur qui, pour ainsi dire, est l’assureur de celui qui prête ; aussi, dans la plupart des genres de ce commerce, 4 ou 5 pour 100 peuvent être à la fois un produit suffisant pour le risque de cette assurance et une récompense suffisante pour la peine d’employer le capital. » — Toutefois cette règle ne peut être absolue, et Smith l’a parfaitement compris, car, si l’intérêt ne varie pas suivant les emplois, il n’en est pas de même du profit, et, bien que la rétribution pécuniaire de l’entrepreneur ne soit généralement pas affectée au même degré que le salaire par la nature de ces emplois, elle est néanmoins parfois fort inégale.

Des cinq causes, en effet, qui agissent sur les salaires, il y en a deux, selon l’auteur des Recherches, qui font varier aussi les profits : c’est l’agrément ou le désagrément, la sécurité ou l’aléa qu’offrent les divers emplois. Le patron d’une auberge ou d’une taverne, qui n’est jamais le maître chez lui et qui est exposé aux grossièretés du premier ivrogne venu, exerce une industrie qui n’est ni très agréable ni très considérée ; il aura donc, en général, de très gros profits destinés à compenser ces inconvénients de sa profession. L’importance du risque couru influe encore davantage sur les profits, puisque c’est cet aléa même qui est, en principe, la véritable raison d’être du profit. — Quant à l’intérêt, il reste à peu près invariable, quel que soit l’emploi, car l’argent, a dit un empereur romain, ne sent jamais mauvais. Le seul élément que considère le prêteur est le risque couru, les garanties tant réelles que personnelles qu’offre l’emprunteur, pourvu que l’emploi soit licite et qu’il respecte les bonnes mœurs ; un entrepreneur trouvera aussi facilement des capitaux pour des travaux d’égoût que pour l’industrie la plus considérée.


Il importait donc de distinguer, expressément, à tous les points de vue, l’intérêt du profit, dans le cas même où l’entrepreneur fait valoir ses propres capitaux. Mais si Smith n’a pas fait avec assez