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relations commerciales. » Mais, pas plus ici que dans son étude sur la liberté du commerce, le célèbre psychologue ne se fait d’illusion sur l’influence de ses conseils. « Proposer, dit-il[1], que la Grande-Bretagne abandonne volontairement toute autorité sur ses colonies, qu’elle les laisse élire leurs magistrats, se donner des lois et faire la paix et la guerre comme elles le jugeront à propos, ce serait proposer une mesure qui n’a jamais été et ne sera jamais adoptée par aucune nation du monde. Jamais nation n’a abandonné volontairement l’empire d’une province, quelque embarras qu’elle pût trouver à la gouverner et quelque faible revenu que rapportât cette province proportionnellement aux dépenses qu’elle entraînait. »

En effet, à notre époque même, aucune grande nation n’a renoncé à ses colonies. Instruite par l’expérience désastreuse de la guerre de l’Indépendance, la Grande-Bretagne a consenti peu à peu à émanciper celles de ses colonies qui étaient les plus puissantes et à donner à certaines d’entre elles une véritable autonomie ; mais elle a toujours tenu, même dans ce cas, à maintenir avec elles un lien nominal qui pût être de nature à assurer à son commerce un avantage réel dans ces pays. Or, quoiqu’en ait dit Smith, nous pensons que l’Angleterre a eu raison. À vrai dire, nous ne sommes pas partisan en général des expéditions coloniales ; nous estimons qu’au point de vue économique, le seul auquel nous voulons nous placer ici, un pays ne doit pas gaspiller partout le sang de ses soldats et consacrer des capitaux souvent considérables à des établissements lointains. Les gouvernements auraient dû laisser faire l’initiative privée ; de la sorte, l’exportation des bras et des capitaux aurait eu lieu le plus souvent en temps utile ; elle aurait été contenue dans des limites naturelles plus raisonnables, et les colons, stimulés par le sentiment puissant de leur responsabilité, auraient été plus attentifs à se conformer aux véritables principes de colonisation féconde et à choisir les points les plus favorables pour la prospérité de leurs établissements. Néanmoins, lorsque l’État à tort ou à raison, a fondé des colonies, et qu’après l’ère des sacrifices, est arrivé le moment où celles-ci

  1. Richesse, liv. IV, ch. VII (t. II, p. 246).