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fit certaines classes de producteurs et au détriment de toute la masse du peuple. Cette appréciation est fort juste : le régime des traités est une pratique vicieuse en elle-même qui met en œuvre les procédés du système mercantile ; c’est un échange de concessions, souvent plus apparentes que réelles, qui apportent dans la législation douanière une instabilité funeste et qui exercent en réalité sur l’ensemble de la production une action plus désastreuse, à certains égards, que celle qu’exerceraient des tarifs protecteurs appliqués uniformément à toutes les marchandises de même nature, quelle qu’en fût la provenance.

Néanmoins, Adam Smith a peut-être été trop absolu dans ses critiques, car si les traités de commerce ont eu des effets pernicieux lorsqu’ils ont été inspirés par les principes du système mercantile, ils ont été depuis lors un instrument puissant de progrès, un acheminement vers la liberté du commerce. Assurément, comme l’a fort bien dit M. Paul Boiteau[1], « un traité de commerce n’est pas autre chose qu’un compromis avec l’erreur », mais ce compromis est indispensable pour faire l’éducation économique de la nation ; le public apprend bien plus par les faits que par les livres, et, en voyant que dans les autres branches de la production où il pénètre, le libre-échange apporte la prospérité, il se ralliera peut-être aux idées libérales qui poursuivent la suppression complète de toutes les restrictions douanières. Mais l’auteur des Recherches n’avait alors d’autre exemple de conventions de cette nature que le traité Méthuen conclu en 1703 entre le Portugal et l’Angleterre et qui avait pour objet de conférer à chacun des deux contractants un monopole, aux Portugais pour leurs vins, aux Anglais pour leurs lainages. Il a dû changer d’avis avant sa mort, et il a pu constater, par le traité conclu par Pitt avec la France en 1786, que cette méthode, évidemment empirique, peut cependant constituer une étape réelle vers la pratique du libre échange.


Enfin, le célèbre économiste s’occupe de la question de l’établissement des colonies. Il y consacre un long chapitre plein de

  1. Les Traités de commerce, par M. Paul Boiteau.