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vail. Il fait voir en outre que ces droits seraient aussi profondément injustes, en ce qu’ils feraient retomber certainement sur les consommateurs le poids de tous les impôts intérieurs, y compris ceux-mêmes qui, dans l’esprit du législateur, doivent frapper la rente du sol, le revenu du capitaliste ou le profit de l’industriel. Si l’impôt foncier que doit supporter le propriétaire, l’impôt des patentes qui doit atteindre l’industriel et le commerçant étaient compensés par un droit équivalent à la frontière sur tous les produits bruts ou manufacturés, dès ce moment ils retomberaient forcément sur le consommateur et ils équivaudraient en réalité à une exonération partielle des classes riches au détriment de la masse du peuple.

Voilà ce que Smith a pressenti et il a tenu à prémunir ses compatriotes contre un entraînement qui pourrait avoir des conséquences fatales à l’égard des classes laborieuses. Il aurait pu signaler, en outre, le fouillis inextricable des droits de douane auquel conduirait nécessairement la généralisation de cette théorie de la compensation, les gênes pour le commerce, l’élévation du prix de toutes choses qui entraverait l’exportation nationale. Mais cette discussion n’avait guère alors qu’un intérêt fort problématique : la théorie de la balance du commerce régnait alors en maître, et le célèbre économiste n’osait pas espérer qu’un jour prochain verrait la ruine de cette école, que le système mercantile en serait réduit à se dissimuler sous une forme nouvelle et à réclamer le maintien des entraves douanières au nom des idées de compensation.


En dehors de ces deux exceptions qui restreignent la liberté commerciale et qu’il a reconnues légitimes, le Dr Smith admet encore que, dans certains cas exceptionnels, d’autres restrictions puissent être momentanément imposées à la libre circulation. Il estime en effet qu’il est parfois utile, dans l’intérêt même de la liberté, d’user de représailles à l’égard d’une nation étrangère qui gêne, par de forts droits ou par des prohibitions, l’importation chez elle de certains de nos produits ; mais il déclare que ces représailles ne sont justifiables qu’en tant que mesures politiques et lorsque la diplomatie peut prévoir qu’elles auront pour effet de provoquer une réaction dans la législation doua-