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Ce n’est pas en effet l’importation de l’or et de l’argent qui a enrichi l’Europe lors de la découverte de l’Amérique, c’est le commerce en général, c’est l’impulsion qui a été donnée aux échanges par l’extension du marché. « En ouvrant à toutes les marchandises de l’Europe un nouveau marché presque inépuisable, elle a donné naissance à de nouvelles divisions de travail, à de nouveaux perfectionnements de l’industrie, qui n’auraient jamais pu avoir lieu dans le cercle étroit où le commerce était anciennement resserré, cercle qui ne leur offrait pas de marché suffisant pour la plus grande partie de leur produit. Le travail se perfectionna, sa puissance productive augmenta, son produit s’accrût dans tous les divers pays de l’Europe, et en même temps s’accrurent avec lui la richesse et le revenu réel des habitants. Les marchandises de l’Europe étaient pour l’Amérique presque autant de nouveautés, et plusieurs de celles de l’Amérique étaient aussi des objets nouveaux pour l’Europe. On commença donc à établir une nouvelle classe d’échanges auxquels on n’avait jamais songé auparavant et qui naturellement auraient dû être pour le nouveau continent une source de biens aussi féconde que pour l’ancien. Mais la barbarie et l’injustice des Européens firent d’un événement qui eût dû être avantageux aux deux mondes une époque de destruction et de calamité pour plusieurs de ces malheureuses contrées. »

La liberté des échanges profite donc aux deux pays contractants, voilà ce que Smith voulait faire comprendre à ses contemporains. Mais les préjugés mercantiles étaient encore tellement enracinés que, malgré cette réfutation convaincante, William Pitt, près de dix ans après, ne put obtenir encore la réunion commerciale de l’Angleterre et de l’Irlande et associer celle-ci aux privilèges commerciaux de la Grande-Bretagne. Malgré son éloquence et son talent, le célèbre ministre anglais ne put réaliser son dessein qui peut-être aurait sauvé l’Irlande. « Adoptez, s’écriait-il dans la péroraison du fameux discours qu’il prononça le 22 février 1785 à la Chambre des Communes, adoptez envers l’Irlande ce système commercial qui tendra à enrichir une partie de l’empire sans appauvrir l’autre et en donnant de la vigueur à toutes deux ; ce système ressemble à la miséricorde, cet attribut favori du Ciel ; comme elle, c’est une double bénédiction, et