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gent ; en un mot, dans le langage ordinaire, richesse et argent sont regardés comme absolument synonymes. » Or, on raisonnait ainsi à l’égard d’un pays comme à l’égard d’un particulier, et Smith constate que cette idée nous est d’ailleurs tellement familière que ceux-mêmes qui sont convaincus de sa fausseté sont à tout moment tentés d’oublier leurs principes et entraînés dans leurs raisonnements à prendre ces préjugés pour une vérité incontestable. Aussi une pareille erreur ne tarda pas à avoir des conséquences vraiment très funestes pour le développement de la richesse, et, imbues de ces idées, les différentes nations jugèrent qu’elles devaient, par tous les moyens, se disputer les métaux précieux.

Elles en prohibèrent d’abord l’exportation, mais on s’aperçut bientôt que cette prohibition était en réalité fatale aux commerçants ; ceux-ci exposèrent qu’en exportant de l’or et de l’argent dans le but d’acheter des marchandises étrangères, ils ne diminuent pas toujours le stock métallique du royaume, et qu’en agissant ainsi, ils font souvent comme le laboureur qui, dans les semailles, abandonne à la terre une partie de son capital pour obtenir une récolte abondante. D’ailleurs les règlements ne parvenaient pas à empêcher la fraude et, en fait, les métaux précieux, faciles à dissimuler à cause de leur faible volume, passaient la frontière sans obstacles. Les gouvernements renoncèrent donc à cette prohibition peu efficace, mais ils ne se désintéressèrent pas cependant de la protection de l’encaisse nationale, ils cherchèrent à la favoriser indirectement, et chacun d’eux établit tout un arsenal de règlements destinés à faire tourner à l’avantage du pays ce qu’on appela la balance du commerce.

Pour une nation, la balance du commerce résultait de la comparaison du chiffre de ses importations et de celui de ses exportations. Ainsi, quand nous exportions pour une valeur plus grande que nous n’importions, il nous était dû, disait-on, une balance par les nations étrangères, et cette balance, nécessairement payée en or et en argent, augmentait la quantité d’espèces existant dans le royaume : dans ce cas, la balance passait pour nous être favorable. Inversement, lorsque nous importions pour une plus grande valeur que nous n’exportions, alors il