Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maintenir dans le pays, se trouvant sollicité, par les prix plus bas des marchandises au dehors, à prendre le chemin de l’étranger.


Cette erreur de l’école mercantile a été vivement combattue par Adam Smith, et la réfutation de ce système est la partie la plus connue de la Richesse des Nations. Aussi, nous nous efforcerons de suivre ici presque littéralement le célèbre économiste dans son mode d’exposition du sujet comme dans son argumentation, et, tout en cherchant à présenter cette matière sous une forme concise, nous emploierons, autant que possible, les termes mêmes de l’auteur afin de conserver à ses critiques leur véritable caractère. Nous espérons éviter ainsi de tomber dans la faute commune à beaucoup de commentateurs qui, pour n’avoir pas suivi les détails de cette étude, se sont laissés aller parfois à présenter cette doctrine de la liberté commerciale sous une forme autoritaire et absolue que le maître s’était bien gardé de lui donner.

L’auteur commence par exposer l’origine du système. « La double fonction, dit-il[1], que remplit l’argent, et comme instrument de commerce et comme mesure des valeurs, a donné naturellement lieu à cette idée populaire que l’argent fait la richesse ou que la richesse consiste dans l’abondance de l’or et de l’argent. L’argent servant d’instrument de commerce, quand nous avons de l’argent, nous pouvons bien plutôt nous procurer toutes les choses dont nous avons besoin que nous ne pourrions le faire par le moyen de toute autre marchandise. Nous trouvons à tout moment que la grande affaire, c’est d’avoir de l’argent ; quand une fois on en a, les autres achats ne souffrent pas la moindre difficulté. D’un autre côté, l’argent servant de mesure des valeurs, nous évaluons toutes les autres marchandises par la quantité d’argent contre laquelle elles peuvent s’échanger. Nous disons d’un homme riche qu’il a beaucoup d’argent, et d’un homme pauvre qu’il n’a pas d’argent. On dit d’un homme économe qui a grande envie de s’enrichir, qu’il aime l’argent ; et, en parlant d’un homme sans soin, libéral ou prodigue, on dit que l’argent ne lui coûte rien. S’enrichir, c’est acquérir de l’ar-

  1. Rich., liv. IV, ch. I (t. II, p. 2).