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dit-il[1], à un négociant ou à un entrepreneur quelconque, ce n’est ni tout le capital avec lequel il commerce, ni même une partie considérable de ce capital, mais c’est seulement cette part de son capital qu’il serait autrement obligé de garder par devers lui, sans emploi et en argent comptant, pour faire face aux demandes accidentelles. Si le papier-monnaie que la banque avance n’excède jamais cette valeur, alors il n’excédera pas la valeur de l’or et de l’argent qui circuleraient nécessairement dans le pays, supposé qu’il n’y eût pas de papier-monnaie ; donc il n’excédera jamais la quantité que la circulation du pays peut aisément absorber et tenir employée. De plus, ajoute-t-il plus loin, une banque ne peut pas, sans aller contre ses propres intérêts, avancer à un négociant la totalité ni même la plus grande partie du capital circulant avec lequel il fait son commerce, parce que, encore que ce capital rentre et sorte continuellement de ses mains sous forme d’argent, cependant il y a un trop grand intervalle entre l’époque de la totalité des rentrées et celle de la totalité des sorties, et dès lors, le montant de ses remboursements ne pourrait pas balancer le montant des avances qui lui seraient, faites, dans un espace de temps assez rapproché pour s’accommoder à ce qu’exige l’intérêt de la banque. Bien moins encore une banque pourrait-elle suffire à lui avancer quelque partie de son capital fixe, car les rentrées d’un capital fixe sont presque toujours beaucoup plus lentes que celles d’un capital circulant ; et des dépenses de ce genre, en les supposant même dirigées avec toute l’intelligence et la sagesse possibles, ne rentrent guère à l’entrepreneur avant un intervalle de plusieurs années, terme infiniment trop éloigné pour convenir aux arrangements d’une banque. Enfin, à plus forte raison, une banque de circulation ne doit pas prêter jusqu’à concurrence de la valeur des terres. — C’était là pourtant le projet que le fameux Law avait soumis au gouvernement de son pays et qu’il fit accepter par le nôtre avec quelques modifications : « l’idée de la possibilité de multiplier le papier-monnaie presque sans bornes fut, dit l’auteur, la véritable base de ce qu’on ap-

  1. Rich., liv. II, ch. II (t. I, p. 369).