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assez sensible, mais leur acquisition, celle de l’or notamment, demande de grandes quantités de travail et des capitaux importants qui pourraient être employés plus utilement à d’autres productions. Aussi, au moyen de la substitution du papier aux espèces métalliques on a voulu remplacer autant que possible le numéraire par un instrument d’échange moins cher, bien que parfois plus commode, et si Smith a pu dire que l’argent est « la grande roue de la circulation », il a ajouté aussitôt que le papier en est « une nouvelle roue qui coûte bien moins à fabriquer et à entretenir que l’ancienne. »

L’éminent philosophe développe alors sa théorie de la circulation fiduciaire qui est une des plus belles de son œuvre et qui est remplie des plus utiles enseignements. Il y examine avec attention le rôle respectif des deux roues et les rapports qui doivent s’établir entre elles.

« Il y a plusieurs sortes de papier-monnaie, dit-il[1], mais les billets circulants des banques et des banquiers sont l’espèce qui est la mieux connue et qui paraît la plus propre à remplir ce but. Lorsque les gens d’un pays ont assez de confiance dans la fortune, la probité et la sagesse d’un banquier pour le croire toujours en état d’acquitter comptant et à vue ses billets et engagements, en quelque quantité qu’il puisse s’en présenter à la fois, alors ces billets finissent par avoir le même cours que la monnaie d’or et d’argent, en raison de la certitude qu’on a d’en faire de l’argent à tout moment. Un banquier prête aux personnes de sa connaissance ses propres billets, jusqu’à concurrence, je suppose, de 100.000 livres. Ces billets faisant partout les fonctions de l’argent, les emprunteurs lui en paient le même intérêt que s’il leur eût prêté la même somme en argent. C’est cet intérêt qui est la source de son gain. Quoique sans cesse il y ait quelques-uns de ces billets qui lui reviennent pour le paiement, il y en a toujours une partie qui continue de circuler pendant des mois et des années de suite. Ainsi, quoiqu’il ait, en général, des billets en circulation jusqu’à concurrence de 100.000 livres, cependant 20.000 livres en or et argent se trouvent faire souvent un fonds suffisant

  1. Rich., liv. II, ch. II (t. I, p. 353).