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bien que, depuis lors, elle ait été distancée de beaucoup par les travaux de lord Liverpool, Humboldt et Michel Chevallier : elle constituait pour l’époque un essai fort curieux, très apprécié pour la largeur des aperçus et l’abondance des détails.

Le célèbre économiste ramenait à trois cas les diverses combinaisons de circonstances qui influent sur la valeur de l’argent : 1° si la richesse générale augmente sans un accroissement simultané de la production du métal, la valeur de l’argent augmente parce que la demande s’accroît ; 2° si l’accroissement de la richesse et, par suite, de la demande, n’est pas plus rapide que l’accroissement de la production du métal, la valeur de l’argent reste stationnaire ; 3° enfin, si l’approvisionnement vient à s’accroître par suite de quelque événement imprévu et pendant plusieurs années de suite dans une proportion beaucoup plus forte que la richesse et la demande, le métal se déprécie et le prix des subsistances hausse d’autant. Tels sont les motifs généraux des variations de la valeur de l’argent, car cette valeur est soumise, comme toute autre marchandise, à la grande loi de l’offre et de la demande.

Mais d’autres causes particulières viennent néanmoins modifier ces rapports mêmes de l’offre et de la demande. C’est notamment la rapidité de la circulation monétaire et surtout l’emploi des valeurs fiduciaires qui réduisent dans des proportions considérables le rôle des espèces métalliques. « L’argent n’est rond que pour rouler », dit un dicton populaire, et, de nos jours où le numéraire ne reste jamais en place, où chacun ne garde par devers soi que les sommes strictement nécessaires à des besoins imprévus et subits, la rapidité de la circulation est portée à un degré tel que la même pièce de monnaie intervient dans mille échanges dans le même temps qu’elle mettait, il y a trois siècles, à faciliter vingt transactions.

En outre, une tendance commune à tous les peuples est de chercher à restreindre autant que possible l’emploi des métaux précieux comme instruments d’échange, car, ainsi que le fait remarquer Adam Smith, c’est la seule partie du capital circulant dont l’entretien puisse occasionner en réalité quelque diminution dans le revenu net de la société. Non seulement ils s’usent en circulant et causent par là même à la nation une perte