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admet chez l’ouvrier un capital immatériel, il est impossible de refuser une valeur au travail du maître qui a formé ce capital. Un capital est du travail accumulé ; si donc le capital produit a une valeur, c’est que le travail qui lui a donné naissance était lui-même productif de valeur : c’est là un raisonnement auquel Adam Smith n’a pas pu échapper, et c’est là une preuve certaine qu’il n’a vu autre chose qu’un moyen de délimiter le champ de l’économie politique dans cette fameuse distinction si vivement critiquée par J.-B. Say et M. Dunoyer.


Toutefois, cette distribution en trois classes des divers fonds accumulés n’a pas satisfait Mac-Culloch[1] et quelques autres économistes. Pour eux, la distinction du stock et du capital serait peu satisfaisante et pourrait conduire à des conclusions erronées, attendu qu’en fait certaines portions du fonds social, employées sans aucune intention de produire un revenu, sont souvent les plus productives ; à leur sens, tout ce qui est immédiatement utilisable est un capital et le cheval attelé à la voiture du gentleman l’est au même titre que le cheval de labour. Ces critiques de Mac-Culloch ne nous semblent pas fondées : la distinction du stock et du capital constitue une division très heureuse de l’ensemble des richesses, en ce qu’elle évite de confondre le fonds de consommation qui est la condition même de la production avec le capital qui en est l’instrument.

Le même économiste a regretté également que Smith ait distingué les capitaux fixes et les capitaux circulants suivant qu’ils sont susceptibles ou non de produire un revenu sans changer de maître, et, selon lui, le véritable caractère du capital fixe serait la durée. Ce point de vue, bien que spécieux en apparence, n’en est pas plus exact lorsqu’on le soumet à quelque réflexion : l’argument souvent cité de l’aiguille, cet outil fragile qui est assurément un capital fixe, a fait justice de ces critiques.


La distinction posée dans les Recherches subsiste donc tout

  1. Voir une note de Mac-Culloch sur la Richesse des Nations (édit. Garnier, t. I, p. 336).