Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


SECTION PREMIÈRE.


Production des richesses.


Selon Smith, de même que la loi morale est fondée sur la sympathie, la loi du droit naturel sur la justice, ainsi la loi qui préside à la formation des richesses a pour principe le travail.

C’est là l’idée qui domine tout l’ouvrage et l’auteur la place au frontispice de son livre : « Le travail annuel d’une nation, écrit-il, est le fonds primitif qui fournit à sa consommation annuelle toutes les choses nécessaires et commodes à la vie, et ces choses sont toujours, ou le produit immédiat de ce travail ou achetées des autres nations avec ce produit. » Toute la théorie d’Adam Smith est contenue dans ces quatre lignes : c’est là que l’on doit chercher le véritable fondement de l’économie politique et c’est l’aspect qui donne à cette science toute sa moralité.

À vrai dire, cette idée féconde n’est pas due à Smith, lui-même : elle avait été émise en substance par le célèbre philosophe Locke dans son Essai sur le Gouvernement ; elle avait été même reprise, probablement à l’insu de l’auteur écossais, par l’abbé de Condillac, qui, l’année même de la publication des Recherches, en tirait déjà des applications remarquables[1], mais personne n’en avait saisi toute l’importance comme le grand économiste qui édifia sur cette base une science toute nouvelle.

Toutefois, bien qu’il eût mis cette loi en pleine lumière, il aurait dû faire plus encore, et, non content de démontrer que le travail est la source même des richesses, il aurait dû

  1. Le Commerce et le Gouvernement, 1776. « Toutes les richesses, disait Condillac, ne se multiplient qu’en raison de notre travail. Nous devons toutes les productions au travail du cultivateur, et nous devons au travail de l’artisan ou de l’artiste toutes les formes données aux matières premières. »