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pathie comme si ces sentiments étaient réels, et si la musique instrumentale ne produit pas le même effet, c’est qu’elle n’est pas imitative. « La musique instrumentale, dit Smith[1], n’imite pas la tristesse ou la gaieté, comme le fait la musique vocale, ou comme la peinture et la danse peuvent les imiter. Elle n’exprime pas, comme elles, les circonstances d’un récit d’une nature plaisante ou triste. Ce n’est pas, comme dans ces trois arts, par sympathie avec la gaieté, la tranquillité ou la tristesse de quelque autre personne, que la musique instrumentale nous fait éprouver ces diverses dispositions : elle devient elle-même un objet gai, tranquille ou triste, et l’esprit passe de lui-même à la disposition qui, dans ce moment, correspond à l’objet qui engage son attention. Ce que la musique instrumentale nous fait éprouver est un sentiment primitif et non sympathique ; c’est notre gaieté, notre tranquillité, notre tristesse propres, et non la disposition d’une autre personne qui se réfléchit en nous. »

Nous avons voulu signaler ce point de vue de l’auteur à cause de son rapport avec la Théorie des sentiments moraux, mais il n’est pas très heureux et on doit avouer que les hypothèses de Smith sont généralement plus ingénieuses. Toutefois, bien que l’ensemble de cet essai nous ait paru inférieur en beaucoup de points à ceux que nous avons examinés jusqu’alors, cet écrit et les petits opuscules dont les éditeurs l’ont fait suivre, sont encore fort intéressants en ce qu’ils témoignent des connaissances multiples et diverses du célèbre philosophe. Nous le voyons ainsi disserter avec aisance sur le principe et la méthode des compositions musicales, sur les mérites comparés des opéras français et des opéras anglais, sur les vers rimés de l’école française et les vers blancs en usage dans son pays, et nous constatons avec une certaine satisfaction ses préférences pour la versification française et les productions théâtrales qu’il avait admirées durant son séjour en France.

Enfin, les Essais philosophiques se terminent par un travail assez étendu sur les Sens externes. C’est une étude des fonctions des sens externes plutôt qu’une discussion métaphysique de la

  1. Essais, II, 108.