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en quelque sorte conforme au cours ordinaire des choses. »

Il en résulte donc que la philosophie est un besoin de l’esprit humain, conduit naturellement à rechercher les moyens d’expliquer les phénomènes qui frappent les sens. « Elle est, dit Smith, la science des principes de la liaison des choses. La nature, après que nous avons acquis toute l’expérience qui est à notre portée, abonde encore en phénomènes qui semblent solitaires et ne se lient point à ce qui précède et qui par là même troublent le mouvement aisé de l’imagination ; ils forcent les idées à se succéder, pour ainsi dire, par sauts irréguliers ; ils tendent donc à y jeter la confusion et le désordre. La philosophie, en exposant les chaînes invisibles qui lient tous ces objets isolés, s’efforce de mettre l’ordre dans ce chaos d’apparences discordantes, d’apaiser le tumulte de l’imagination, et de lui rendre, en s’occupant des grandes révolutions de l’univers, ce calme et cette tranquillité qui lui plaisent et qui sont assortis à sa nature. »

Aussi, l’histoire générale de la philosophie semble être à l’auteur le meilleur moyen qui soit en notre possession pour suivre la marche de l’esprit humain. En effet, poursuit-il, « on peut envisager la philosophie comme un de ces arts qui s’adressent à l’imagination et dont, par cette raison, l’histoire et la théorie se trouvent comprises dans l’enceinte de notre sujet. Tâchons d’en suivre le cours, depuis sa première origine jusqu’à ce haut degré de perfection qu’elle a atteint de nos jours et qu’à la vérité chaque siècle à son tour a cru, comme nous, avoir atteint. C’est, de tous les beaux-arts, le plus sublime, et ses révolutions ont été les plus grandes, les plus fréquentes, les plus remarquables de toutes celles qui ont eu lieu dans le monde littéraire. Par toutes ces raisons, son histoire doit être la plus intéressante et la plus instructive. Examinons donc tous les différents systèmes de la nature qui, dans notre Occident (seule partie du globe dont l’histoire nous soit un peu connue), ont successivement été adoptés par les hommes savants et ingénieux. Sans nous arrêter à juger de leur absurdité ou de leur probabilité, de leur accord ou de leur disconvenance avec la vérité et la réalité, considérons-les seulement sous le point de vue particulier qui appartient à notre sujet, et contentons-nous de rechercher comment chacun d’eux était propre à faciliter la marche de l’imagination et à faire, du théâtre de la