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tions. Un Lombard qui avait besoin de dire I am loved (je suis aimé), mais qui ne pouvait se ressouvenir du mot amor, suppléait à son ignorance en disant : ego sum amatus. Io sono amato est maintenant l’expression italienne qui correspond à la phrase anglaise ci-dessus. » Smith fait la même remarque pour le verbe possessif habeo (I have, j’ai), qui, joint au participe passif, peut tenir lieu généralement du temps actif comme le verbe substantif peut tenir lieu du passif.

« C’est ainsi, conclut-il, que les langues devinrent plus simples dans leurs principes et dans leurs rudiments, à mesure qu’elles devinrent plus compliquées dans leur composition ; et il en fut, pour ainsi dire, comme des diverses machines. Celles-ci sont toujours, au moment de leur invention, extrêmement compliquées, et chacun des mouvements qu’elles doivent produire a souvent un principe particulier d’action ; bientôt ceux qui peuvent les améliorer observent qu’un seul de ces principes peut être appliqué à plusieurs mouvements, et ainsi la machine devient plus simple et produit ses effets, toujours avec moins de roues et moins de ressorts. De même, dans les langues, chaque cas de chaque nom, et chaque temps de chaque verbe étaient originellement exprimés par un mot distinct qui servait à cette fin et à aucune autre ; mais peu à peu l’observation découvrit qu’une certaine suite de mots était capable de tenir la place de cette infinité de nombres, et que quatre ou cinq prépositions et six verbes auxiliaires pouvaient tenir lieu de toutes les déclinaisons et de toutes les conjugaisons des langues anciennes. » Cependant il estime que la comparaison ne peut pas être continuée jusqu’au bout et que les effets de ces modifications sont différents dans les deux cas. Tandis que la simplification des machines rend celles-ci de plus en plus parfaites, la simplification des langues les a rendues, au contraire, de plus en plus imparfaites et de moins en moins propres à remplir leur fonction ; elle leur a enlevé leur concision, leur harmonie et aussi leur élégance, en obligeant à placer les mots à des endroits déterminés, et en supprimant ainsi ces inversions gracieuses qui donnaient tant de beauté et tant d’expression aux langues anciennes. Tel est le plan de cette petite étude. Assurément elle a été bien dépassée de nos jours, elle a bien vieilli, mais on peut dire que