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pour exprimer ainsi un rapport ; le rapport n’est pas exprimé par un mot particulier qui n’indique pas autre chose, mais par une variation dans le mot corrélatif, et encore le rapport est alors exprimé analogiquement à ce qu’il nous paraît être dans la nature, c’est-à-dire non comme quelque chose de séparé et de détaché des objets corrélatifs, mais comme quelque chose de joint à eux et d’identique avec leur existence. »

Plus encore que les prépositions, les mots exprimant les nombres ont été très lents à apparaître. Le nombre, envisagé en lui-même, sans aucun rapport avec une espèce particulière d’objets considérés en nombre, est, selon Smith, l’idée la plus abstraite et la plus métaphysique que l’esprit humain soit capable de se former, et, par conséquent, elle ne peut être une de celles que les hommes se sont faites au début des sociétés, époque d’ignorance et de barbarie. Ceux-ci devaient donc naturellement distinguer la manière dont ils parlaient d’une multitude d’objets, de la manière dont ils parlaient d’un seul, non par un adjectif pour ainsi dire métaphysique, mais par une variation dans la terminaison des mots qui exprimaient les objets nombrés. De là l’origine du singulier, du pluriel, et quelquefois même du duel dans les langues anciennes.

Enfin les pronoms durent être inventés les derniers, et Smith fait remarquer, à l’appui de son hypothèse, que ce sont en effet les derniers mots dont les enfants apprennent à faire usage. De même que les hommes paraissent avoir évité d’abord l’invention des prépositions et avoir exprimé, par la variation des termes corrélatifs, les rapports qu’elles désignent maintenant, de même ils ont dû aussi éluder longtemps la nécessité de créer les pronoms, en variant la terminaison du verbe selon que le fait exprimé était affirmé de la première, de la seconde ou de la troisième personne. De là l’origine des conjugaisons.

Telle était donc la tendance naturelle de l’esprit humain et tel dut être le développement logique du langage chez les nations primitives. La révolution qui s’y opéra fut l’effet du mélange des peuples. « Les langues, dit Adam Smith, seraient probablement restées telles dans tous les pays et ne seraient jamais devenues plus simples dans leurs conjugaisons et leurs déclinaisons, si elles n’étaient devenues plus complètes dans leur composition, par