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moyen de l’histoire du langage, de l’histoire de la science et de l’histoire des arts, se réservant de suivre plus tard, dans son Traité du Droit et ses Recherches sur la Richesse des Nations, la marche des sociétés humaines, grâce aux autres manifestations de la civilisation, telles que les institutions politiques et sociales. Il avait commencé l’exécution de ce plan dans le fameux cours de rhétorique et de belles-lettres qu’il avait inauguré à Édimbourg et dont il avait continué l’exposition dans sa chaire de logique. Mais, nous l’avons dit, le manuscrit de ces leçons fut détruit, de même que la plupart de ses autres essais, et, en dehors de la Théorie des sentiments moraux et de la Richesse des Nations, il ne nous reste, comme témoins des différents aspects de cette vaste entreprise, que quelques études incomplètes, épargnées par l’auteur, on ne sait pour quel motif, et deux dissertations à peu près entières : les Considérations sur la formation des langues et l’Histoire de l’Astronomie jusqu’au temps de Descartes. Adam Smith ne publia lui-même que la première de ces études : c’est d’ailleurs la plus remarquable.

Quelle est l’origine de la parole ? Sous quelle forme a-t-elle apparu ? Comment s’est diversifiée la multitude des langues et des idiomes ? Ces questions fondamentales avaient frappé le jeune professeur dès ses débuts dans la philosophie, et, grâce à la vivacité de son imagination, à une vaste érudition et à une véritable puissance d’observation, il arriva, malgré l’étendue de ses recherches, à un résultat vraiment remarquable pour son époque. Néanmoins, nous n’insisterons pas sur cet ouvrage, dont l’intérêt a beaucoup diminué depuis les découvertes modernes de la linguistique ; nous n’en dirons que quelques mots pour faire connaître, sous toutes ses faces, le génie de l’auteur et montrer comment il embrassait à la fois l’étude de toutes les manifestations de l’esprit humain.

Dans ces Considérations, Smith met en présence deux sauvages ne sachant pas parler et élevés jusque-là dans un isolement complet, puis il discute la manière dont ces deux hommes doivent s’y prendre pour se faire entendre. Ils assignent d’abord un nom particulier aux objets qui leur sont les plus familiers, généralisent ensuite l’emploi de ces termes en les appliquant à d’autres objets qui ont avec les premiers une certaine ressem-