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tent, Victor Cousin, sans songer à son principe, systématique, il instruit et il charme, par cette multitude d’observations fines, profondes, inattendues, sur les hommes et sur la société, sur les ressorts intimes de nos actions, sur leurs effets privés et publics, sur les mille et mille formes que prennent la vertu et le vice, selon l’infinie diversité des situations et des opinions ; sans parler des sentiments délicats et élevés répandus de toute part, depuis la première page jusqu’à la dernière, qui, passant de l’âme de l’auteur dans celle du lecteur, y forment et y entretiennent une sorte d’atmosphère morale douce et sereine, semblable à celle de la bonne conscience. Il semble alors qu’il n’y a point de livre plus vrai et plus attrayant. » Malheureusement, ce livre n’est pas aussi connu de nos jours qu’il devrait l’être ; il n’est plus consulté qu’au point de vue historique et pour le système lui-même qui est erroné, alors qu’il devrait être entre les mains de tous les philosophes, littérateurs, romanciers, hommes d’État, de tous ceux, en un mot, qui, par goût ou par profession, s’intéressent à l’étude du cœur humain et des phénomènes psychologiques.


Nous n’avons pas dit d’ailleurs tout le mérite de la Théorie des sentiments moraux, car, outre le développement de la doctrine de la sympathie, elle contient encore une histoire fort remarquable, bien que très brève, des principaux systèmes de philosophie morale.

Aucune histoire de cette nature ne paraissait avoir été entreprise jusqu’alors. Bacon avait insisté pourtant, d’une manière toute particulière, sur l’importance capitale que présente en philosophie l’étude des systèmes, mais, avant Smith, personne n’avait abordé ces recherches ardues, et les auteurs, même les plus distingués, se contentaient trop souvent de condamner en bloc les doctrines les plus remarquables, d’après le seul examen de leur conclusion, sans les avoir méditées, sans avoir cherché à discerner la part de vérité qu’elles renferment. Le professeur écossais a tenté de réaliser le vœu de Bacon, et, du premier coup, il s’est révélé là comme un historien remarquable, possédant le véritable esprit de la philosophie de l’histoire. Partant de ce principe, si souvent méconnu, que dans tout système il y a une certaine part de vérité, nécessaire pour le rendre vraisemblable,