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Mais il lui était défendu d’aller jusqu’à la ville. Scrupuleuse, elle suivait strictement les conditions du pacte.

Qu’il est enivrant de glisser sans bruit le long des routes et des chemins de l’été, d’être indépendante et rapide, de sentir multipliée la marche, d’avoir aux pieds, somme toute, les bottes de sept lieues du conte !

La grande campagne de Gourneville, avec ses vastes pièces de terre, sa route jaune qui se tord à travers, ses chemins creux qui se referment à mesure qu’on passe, ses carrefours solitaires veillés par quelque calvaire tragique, ses bois qui commencent là pour finir au bout du monde, ses prés riches de bestiaux, ses fermes cachées derrière les haies méfiantes, ses deux ou trois châteaux abandonnés et mystérieux, quelle belle promenade quotidienne !

Toutoune ne se lassait pas de cela, ne se lassait pas d’y être seule.

Elle n’y était pas seule, en vérité. Son imagination lui donnait une compagne.