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— Décidément, Toutoune, tu ressembles tout à fait à la tante Dorothée.

Au moment d’aller se coucher, comme la petite venait embrasser sa mère, celle-ci se prit à examiner sa fille comme si elle ne l’avait jamais vue. Elle lui releva ses nattes, sans doute pour juger d’un effet de coiffure, pencha la tête de côté, puis dit d’un ton complaisant :

— Tu as de jolis yeux, Toutoune…

L’enfant sursauta, frappée au cœur. Elle comprit en cette minute que, jamais de sa vie, elle n’entendrait quelque chose de pareil. La gorge serrée, elle eut le désir d’exprimer un peu de son immense plaisir, un peu de son étonnement ravi. Mais reprise de timidité, hypnotisée de nouveau par les yeux bleus, elle ne fit entendre qu’une sorte de rire niais.

Cependant, quand elle fut dans son lit, elle se rendit compte qu’à cause de ce petit mot, ce petit mot bouleversant, elle n’allait pas dormir de la nuit.