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Comme tout le monde

niaises où les vœux sont inscrits en lettres dorées. On commande des bonbons chez Belamour et des jouets à Paris. On prépare des dîners et des soirées.

La bourgeoisie chérit ces époques, comme elle aime toutes les occasions qui lui font sentir qu’elle est toujours solide, bien à sa place, aveuglément enfoncée dans ses coutumes, manies et superstitions.

Parmi cette oiseuse agitation, notre Isabelle passait, absente et comme somnambule. Elle était pourtant, par atavisme, par éducation, très éprise de tous ces protocoles dont se nourrit la société ; mais le jour de l’an lui-même n’arrivait pas à la distraire de son idée fixe : Isabelle pensait à la marquise de Taranne Flossigny.

Du marquis, il n’était plus question. Une vision avait chassé l’autre. Isabelle passait le temps à se remémorer les moindres détails de sa prodigieuse aventure, cette courte promenade en automobile aux côtés de la belle Hongroise. Elle essayait de répéter toutes les paroles prononcées par la grande dame, de retrouver les inflexions de son accent étranger, d’évoquer une à une les particularités de sa toilette, depuis les plumes du grand chapeau noir jusqu’à la pointe des petits souliers violets. Son imagination, meule qui tourne presque tou-