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Comme tout le monde

que la tristesse repentante dont elle se nourrit soit, pour la pauvre Chardier, une sorte de rêve choisi, depuis quelque temps elle éprouve de nouveau ce lent malaise de vivre qu’elle comparait jadis à une interminable migraine.

Quand on a la migraine, n’éprouve-t-on pas un soulagement étrange si, par exemple, on vient à se cogner le coude ? Le mal, pour un instant, change de direction et de nature. Isabelle a eu le coude brutalement cogné, mais, aujourd’hui, la migraine reprend sournoisement sa place. Les ennuis ménagers, les soucis quotidiens retrouvent peu à peu leur importance. Le mari lui-même, comme supprimé pendant quelque temps, redevient l’adversaire de tous les moments, le morne personnage quotidien dont on n’attend plus rien que de maussade ou d’agaçant.

Isabelle aurait pu, dans la piété, retrouver des prétextes de s’exalter. Le chagrin est une route sûre pour mener à la dévotion. Quel plus beau berceau que l’église pour la souffrance humaine ?

Un dimanche, s’étant mise en retard pour sa traditionnelle messe basse, Isabelle a dû, pour une fois, assister à la grand’messe de sa paroisse. Et voici que les grondements de l’orgue, l’or des chasubles, les brouillards d’encens dans le chœur constellé de cierges, toute la vénérable magnifi-


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