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Comme tout le monde

On eût dit qu’il s’engraissait à vue d’œil du beau lait jailli des seins maternels ; et l’on pouvait déjà percevoir sa ressemblance amusante avec sa mère.

Dans la tiédeur du jardin doré, la petite femme s’asseyait, tenant son poupon contre elle. Mademoiselle Zozo, le petit lion, Julia la bonne, redevenue gamine, tourbillonnaient. Isabelle, au milieu de la nichée, se sentait saine et simple, et son cœur avait chaud.

Parfois, au plus fort d’une partie, l’éclat de rire de Zozo, dans l’air bleu, poussait tout droit sa gaieté, cet éclat de rire sans fêlure des jeunes enfants, cet éclat de rire tout neuf, si juste, si pur, que les larmes vous en montent aux yeux. D’autres fois, c’était le petit lion qui s’essayait à faire une phrase de trois mots, compréhensible pour lui seul. Puis le petit Louis s’agitait, criait, et l’on savait alors que c’était l’heure de lui donner à téter.

Un élan de triomphe soulevait toujours Isabelle au moment d’ouvrir son corsage pour allaiter. Penchée, le sein chastement recouvert d’un bout de châle, elle contemplait le nouveau-né, dont la bouche en suçoir s’attachait si fortement à elle.

Une feuille sèche volait en douceur dans l’air faible. Un trait de soleil touchait les boucles de Zozo, restée debout à regarder son nouveau frère. Le petit lion, assis dans l’herbe, introduisait clan-