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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

que j’ai trouvée à mon arrivée. Le souvenir m’en contrarie à tel point que je ne veux pas me rappeler ce que j’ai éprouvé, ni étendre ici ce qu’il m’a dit.

— Il ne faut pas croire que parce qu’une chose avait été rebutée par moi dans un temps, je doive la rejeter aujourd’hui qu’elle se présente. Tel livre où on n’avait rien trouvé d’utile, lu avec les yeux d’une expérience plus avancée, portera leçon.

J’ai porté ou plutôt mon énergie s’est portée d’un autre côté ; je serai la trompette de ceux qui feront de grandes choses.

Il y a en moi quelque chose qui souvent est plus fort que mon corps, souvent est ragaillardi par lui. Il y a des gens chez qui l’influence de l’intérieur est presque nulle. Je la trouve chez moi plus énergique que l’autre. Sans elle, je succomberais…, mais elle me consumera (c’est de l’imagination sans doute que je parle, qui me maîtrise et me mène).

Quand tu as découvert une faiblesse en toi, au lieu de la dissimuler, abrège ton rôle et tes ambages, corrige-toi. Si l’âme n’avait à combattre que le corps ! mais elle a aussi de malins penchants, et il faudrait qu’une partie, la plus mince, mais la plus divine, combattît sans relâche. Les passions corporelles sont toutes viles. Celles de l’âme qui sont viles sont les vrais cancers : envie, etc. ; la lâcheté est si vile, qu’elle doit participer des deux.

Quand j’ai fait un beau tableau, je n’ai point écrit une pensée… C’est ce qu’ils disent !… Qu’ils sont