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LIV
EUGÈNE DELACROIX.

Victor Hugo ne comprit jamais le genre de beauté propre aux conceptions de Delacroix. La cause n’en est-elle pas que l’un fut toujours un grand poète en peinture, tandis que l’autre demeure le plus vigoureux peintre, le plus hardi sculpteur que nous ayons en poésie ? Les hardiesses de Berlioz dans le domaine symphonique lui furent également insupportables ; on ne manquera pas de dire qu’il en faut chercher la raison dans une éducation musicale exclusivement italienne ; nous ne le pensons pas, et s’il ne suffit point, pour établir le contraire, de rappeler le passage de cette étude dans lequel nous notions ses préférences et ses antipathies musicales, nous ajouterons que son admiration fut sans réserve à l’égard d’un compositeur tout aussi original que Berlioz, d’un génie tout aussi inventif, quoique dans un genre différent : Chopin. On trouvera dans ses jugements sur les autres contemporains : Lamartine, G. Sand, Dumas, Th. Gautier, et tant d’autres moins célèbres, l’affirmation de ses goûts esthétiques : nous ne pouvons nous étendre sur ce sujet ; contentons-nous de rappeler, pour conclure, cette idée précédemment émise, à savoir que Delacroix s’y manifeste comme un esprit d’allure plutôt classique.

En somme, et si l’on tente de résumer l’impression maîtresse qui se dégage de cette étude, si l’on s’efforce d’embrasser d’une vue d’ensemble les éléments fragmentaires de cette grande intelligence, telle qu’elle apparaît dans l’œuvre offerte au public, on doit penser que, loin d’être nuisible à la gloire de l’artiste, comme si souvent il arrive, une telle œuvre ne saurait que lui profiter, en éclairant d’une lumière complète les traits saillants de son génie. L’homme s’y révèle ce que lui-même ambi-